Jean-Claude Durousseaud : Nous sommes dans le service de radiologie interventionnelle d'Edouard Herriot [HCL, Lyon, France]. Nous sommes d'accord avec vous, professeur, alors faites-nous un petit tour du département.

Par Laurent Milot: Nous sommes situés dans ce que l'on appelle le centre de radiologie interventionnelle, qui se trouve dans le bloc opératoire de l'hôpital Edouard Herriot, dans un bâtiment flambant neuf construit en 2018. Nous avons donc la chance de disposer de trois salles dédiées à la radiologie interventionnelle : deux salles d'angiographie de dernière génération et une salle dédiée aux scanners interventionnels. Au sein de ce service, nous avons également accès à des ressources en anesthésie, avec des anesthésistes qui travaillent tous les jours et deux infirmières anesthésistes, qui travaillent toujours dans deux des trois salles.

Jean-Claude Durousseaud: Donc deux salles angio, un scanner dédié à l'intervention, mais ce n'est pas tout, il y a aussi un bras robotique.

Par Laurent Milot : Alors oui, tu as tout à fait raison ! Le bras robotique est utilisé exclusivement avec le scanner. Depuis novembre dernier, nous avons la chance d'être équipés du robot Epione de la société française Quantum Surgical, basée à Montpellier. Nous avons donc la chance et l'honneur d'être le deuxième site au monde à être équipé d'un tel robot, qui nous guide tout au long de nos procédures complexes d'ablation de tumeurs.

Jean-Claude Durousseaud: Donc le deuxième site, un installé, et vous en avez maintenant trois dans le monde.

Par Laurent Milot: Exactement, il y a donc l'Institut Gustave Roussy à Paris, nous au HCL, et il y a en fait ce troisième site, qui se trouve à Miami, aux États-Unis. Le voyage est donc en cours.

Jean-Claude Durousseaud : Nous avons battu les Américains

Professeur Laurent Milot : Mais nous sommes en avance sur les Américains, absolument.

Jean-Claude Durousseaud : C'est toujours un plaisir. Avec plusieurs chambres extrêmement bien équipées, que faites-vous chaque jour ?

Professeur Laurent Milot : Eh bien, c'est formidable, car nous avons la chance de travailler dans un département où il y a tellement de pratiques différentes. Nous avons donc à la fois des personnes qui travaillent dans ce que nous appelons l'uroradiologie et la radiologie plus vasculaire, et des personnes comme moi. J'ai tendance à travailler en radiologie hépatobiliaire et en radiologie d'urgence, où je m'occupe beaucoup du foie. Mais nous avons également des collègues qui font davantage de radiologie, qui s'intéressent aux os, par exemple à l'appareil locomoteur, de manière très avancée. Voilà, nous couvrons l'ensemble du spectre de la radiologie interventionnelle et nous avons également, comme nous sommes un grand centre d'urgence, toutes les urgences que nous traitons, les personnes qui saignent, les embolisations aiguës. Je dirais donc que notre gamme d'activités va de l'ablation de tumeurs aux shunts vasculaires tels que le TIPS ou l'embolisation d'urgence, en passant par le remaniement des fractures du bassin chez les patients.

Jean-Claude Durousseaud: Passons à la cryoablation. Quels sont les avantages de ce robot, pour vous, et ensuite pour les patients ?

Par Laurent Milot: Pour le médecin, l'avantage du robot, si l'on prend un cas classique, c'est qu'il sécurise l'intervention. Pourquoi ? parce que je peux voir ma trajectoire à l'avance, je peux modéliser ma zone d'ablation à l'avance, et ainsi je peux envoyer ces informations au robot, qui m'aide ensuite à me positionner exactement où je veux. Nous pouvons donc voir très clairement une zone où ma collègue va traiter cette lésion rénale au pôle inférieur, et nous pouvons voir qu'elle a prévu 2 sphères/isphères de glace. Ils sont donc pré-saisis, ce qui est en fait très puissant dans le système. L'aiguille est en fait rétractée, de sorte qu'en fonction de divers paramètres tels que la température, etc., la zone d'ablation peut également changer de manière interactive. En gros, ici, vous avez l'aiguille que vous avez choisie, et vous passez au paramètre qui vous intéresse, à moins 40. Et, en fait, si vous insérez un autre type d'aiguille, parce que celles-ci sont fixes, c'est exactement ça, c'est leur zone, pas comme le micro-ondes.

Yann Lemeur: En fait, c'est ce que nous avons fait, nous avons essayé de planifier avec une seule aiguille.

Par Laurent Milot : Si vous changez, vous pouvez utiliser d'autres types d'aiguilles, par exemple celle-ci IceRod, une aiguille différente, vous pouvez tester plusieurs aiguilles et voir laquelle est la plus adaptée au préalable. Et c'est très pratique, car vous pouvez voir non seulement la zone de destruction de la tumeur, mais également le risque que vous prenez. En termes de planification, vous êtes donc beaucoup plus pertinent, car vous pouvez anticiper les risques et les succès. Et deuxièmement, la transférabilité des connaissances est très bonne, car elle vous permet de penser différemment à votre type d'ablation, et d'être plus précis. Donc, ici, nous sommes plus précis en profondeur, et cela nous permet de voir, par exemple, les zones les plus profondes. Nous ne sommes pas mauvais en matière de positionnement, mais la profondeur est souvent très difficile à anticiper. L'autre avantage pour le médecin est que cela lui permet de dépasser certaines limites. Par exemple, dans des cas extrêmement complexes, comme certains exemples ici de lésions très mal placées, près du cœur, où vous pourriez vouloir retirer la tumeur, c'est très difficile, vous ne pouvez rien voir, et grâce au robot, c'est un véritable partenaire dans la destruction de cette tumeur. Ce sont donc vraiment les grands avantages pour le médecin. L'autre gros avantage est que nous pouvons transmettre nos connaissances beaucoup plus facilement à nos équipes. Par exemple, je suis très fière que deux de mes plus jeunes collègues aient récemment pu réaliser avec succès des ablations complexes par électroporation à aiguilles multiples.

Jean-Claude Durousseaud : Oui, car c'est très visuel et vous pouvez rapidement voir comment ajuster les aiguilles, etc.

Par Laurent Milot : Exactement, puis vous pourrez partager le planning. Cela vous permet de partager le processus, alors que sinon, tout est dans votre tête.

Jean-Claude Durousseaud : C'est plutôt quelque chose que tu fais toi-même.

Par Laurent Milot: Vous pouvez leur dire « allez-y, allez-y », mais il est clair que vous pouvez faire des ajustements assez fins, puis vous pouvez contrôler le processus en temps réel, le revoir avec eux et avoir le contrôle total du processus.

Jean-Claude Durousseaud : Ce bras robotique n'est pas un simple bras robotique.

Professeur Laurent Milot : Il est composé d'une caméra optique, du bras robotique lui-même et d'une console de navigation. En fait, il comporte trois parties. Il est utilisé pour positionner le robot dans l'espace. Il existe donc un système [référence du patient] qui est placé sur le patient, qui vous permet de voir où il se trouve dans l'espace, et le robot se positionne virtuellement par rapport à sa position.

Jean-Claude Durousseaud : Donc, pour cela, vous avez un protocole d'anesthésie particulier.

Professeur Laurent Milot: Oui, exactement. Ainsi, dans notre centre, nous utilisons largement ce que nous appelons la ventilation par jet, qui est une ventilation réalisée par des anesthésistes, qui jouent un rôle absolument fondamental dans ce type de procédure. Donc, vous devez imaginer que c'est une respiration très superficielle. La respiration se déroulera donc comme suit : » [bruit de respiration], comme si plus rien ne bougeait. Imaginez qu'il n'y ait plus de mouvements respiratoires. Et, bien entendu, cela signifie qu'il n'y a pratiquement aucune différence entre les informations initiales du scanner et celles que nous allons utiliser au cours de notre procédure.

Jean-Claude Durousseaud : L'avantage d'avoir le scanner dans la pièce est que vous pouvez faire des allers-retours. Donc, tout d'abord, il existe différents scans pour la préparation, mais il peut y avoir plusieurs scans intermédiaires pour vérifier comment régler les aiguilles, comment vous êtes positionnées et si cela a bien fonctionné.

Professeur Laurent Milot : Oui, c'est exactement ça. Nous avons la chance d'avoir le scanner au milieu de la salle d'opération, ce qui nous permet d'interagir en permanence avec l'anesthésiste responsable et qui peut suivre le patient pendant les scans de contrôle intermédiaires. Et nous pouvons relancer ses scans de contrôle intermédiaires sur le robot et procéder à des réajustements au fur et à mesure, si nécessaire. L'évolution du service est donc intéressante, car il faut savoir qu'au départ, à l'hôpital Edouard Herriot, il y avait trois services de radiologie. Ils se sont donc développés chacun séparément, et depuis quelques années, ces trois services sont regroupés. Ainsi, lorsque vous réunissez trois départements bien développés et dotés d'une grande expertise, et que vous les réunissez tous, vous avez maintenant toute cette expertise au service d'un seul département. C'est pourquoi nous avons la chance d'avoir ces ultra-spécialistes en chirurgie ostéo-interventionnelle, neurovasculaire et hépatobiliaire. C'est ce qui rend notre département si unique.

Jean-Claude Durousseaud : Cette polyvalence signifie que vous pouvez passer des bras robotiques pour la cryoablation aux TIPS.

Professeur Laurent Milot : Parallèlement, les deux salles sont couvertes par des anesthésistes, avec ablation de la tumeur d'un côté et un shunt vasculaire placé entre la veine suprahépatique et le tronc porte de l'autre, afin de résoudre une situation plutôt catastrophique pour un patient atteint d'ascite réfractaire et multi-infectée. En fait, pour réduire son ascite à l'aide de ce fameux TIPS, une procédure d'angiographie très complexe que vous avez vue chez plusieurs personnes âgées et que nous avons réalisée ensemble, avec des conseils mixtes utilisant l'angiographie et l'échographie, en plaçant cette petite prothèse que nous avons déposée dans ce canal néo hépatique.

Jean-Claude Durousseaud: Une fois de plus, il n'y a pas que le bras du robot, mais aussi les ingénieurs de Quantum Surgical qui sont là pour discuter et améliorer. C'est donc un duo assez unique. Expliquez-moi ce que cela vous a apporté à tous les deux.

Par Laurent Milot : Eh bien, c'est vrai que c'était une très belle rencontre. Travailler avec l'équipe de Quantum Surgical a été l'un des grands aspects de nos efforts pour adopter la robotique. Il est important de comprendre que la robotique interventionnelle est assez récente. En gros, nous sommes des pionniers ici, donc l'idée est d'apprendre les uns des autres. À chaque fois que nous procédons à une procédure, quelle est l'idée ? Voilà le robot, voici ce qu'il peut faire. Bien entendu, l'ingénieur nous a énormément aidés, ne serait-ce que pour le faire fonctionner. Pour que nous puissions traverser les moments où nous étions bloqués, où nous ne savions pas quoi faire, d'autant plus que la plateforme s'est beaucoup améliorée. Au début, de nombreux ajustements étaient en cours. Cela n'a pas toujours été facile pour nous. Alors, bien sûr, les ingénieurs étaient là. Mais ce que nous avons réalisé, c'est que nous nous parlions constamment et que, par conséquent, nous nous comprenions constamment, et ils ont vu nos problèmes au fur et à mesure qu'ils les résolvaient, et en gros, mon problème est devenu le leur, le leur est devenu le mien. Nous échangeons constamment des idées pour améliorer la technique.

Jean-Claude Durousseaud : Il y a donc ce ping-pong constant d'un côté à l'autre, qui fait vraiment avancer le système. Et puis, s'il n'y a que trois sites dans le monde, c'est vrai que c'est bien d'être proche de ces sites pour avoir des retours sur le terrain.

Yann Lemeur : Exactement. En fait, comme l'a dit le professeur Milot, l'ingénieur d'application a un rôle un peu double. Prenons l'exemple du permis de conduire. Quand tu passes ton permis de conduire [...] franchement tu ne sais pas conduire. Nous proposons donc une formation sur notre appareil. Néanmoins, nous soutenons nos utilisateurs dans des situations réelles, afin de tirer le meilleur parti du système. C'est le premier aspect. Le deuxième aspect, comme l'a si bien décrit le professeur Milot, est que nous sommes une entreprise en démarrage, nous réagissons donc très rapidement aux améliorations. Il est donc très important pour nous d'être également présents sur place. Capter la façon dont nos utilisateurs utilisent l'appareil et réagir immédiatement en proposant constamment de nouvelles améliorations. Je pense que nous publions deux ou trois nouvelles améliorations par an, ce qui, dans le monde des dispositifs médicaux, est considérable. C'est donc aussi la force des entreprises comme la nôtre, qui sont des start-up, d'être très réactives vis-à-vis de leurs utilisateurs. Je suis ingénieur R&D senior. Le contact avec les utilisateurs nous permet d'obtenir toutes les idées d'amélioration. Il est également important de comprendre toutes les contraintes de nos utilisateurs. Il est important d'être proche du terrain. Donc, chez Quantum Surgical, nous voulons avoir ce contact, et en fin de compte, ce ne sont pas nos clients, ce sont nos partenaires.

Professeur Laurent Milot : Oui, j'ai un exemple concret, car il aide vraiment à planter le décor. J'ai reçu le système en novembre 2022 et je n'ai déjà pas la même version que celle que j'avais au départ. Et, en particulier, il y a eu, à mon avis, un changement de donne, le mode dit axial. Cela semble assez simple, mais vous voyez, le robot se déplacera, fera face à la cible avec une profondeur donnée. Le problème était que lorsque l'aiguille était insérée, elle était parfois insérée un peu loin de la peau. Eh bien, ils ont créé un mode dans lequel vous pouvez déplacer le robot vers l'avant jusqu'à ce qu'il touche la peau, puis vous pouvez faire la perforation, puis vous pouvez le déplacer vers le haut, et il revient à la profondeur décrite. Le « clic » spécifique que vous entendez ensuite semble simple, mais du point de vue de la R&D, il s'agit d'un véritable nouveau mode logiciel qui doit être couplé à du matériel. Mais pour nous, cela change vraiment la donne en termes de pratique, car cela nous a permis d'être beaucoup plus précis. Nous avons déjà constaté un gain significatif. Nous observons donc toujours cette communication, qui est totalement bénéfique, dans la pratique quotidienne.

Jean-Claude Durousseaud : Alors, quand aura lieu la prochaine mise à jour ?

Yann Lemeur : Donc, la prochaine mise à jour. Une version est en cours de développement. Je pense que la prochaine mise à jour aura probablement lieu avant la fin de l'année. Nous allons sortir cette nouvelle version. Et nous avons, pour l'année prochaine, évidemment, d'autres nouvelles versions avec de nouvelles fonctionnalités. Ainsi, lorsque nous développons de nouvelles fonctionnalités, des personnes comme le professeur Milot viennent dans nos locaux de Quantum Surgical, la R&D étant en France, à Montpellier. Ils viennent de tester des maquettes, des logiciels assez finalisés. Ils nous font part de leurs commentaires. De cette façon, nous pouvons ajuster les fonctionnalités avant de les mettre sur le marché. Donc, en fait, ce soutien vient après, mais évidemment aussi avant. Alors, Pr. Milot, votre équipe, le Dr L'Huillier et le Dr Gay viennent à Montpellier. 


Par Laurent Milot : Essayer d'inciter les jeunes à participer également, car je pense que les jeunes comprennent et ont une dynamique totalement synchronisée avec la technologie. Ils voient également leurs besoins, ce qui leur permet de faire avancer les choses et de tester de manière totalement pertinente. Mon excellent mentor, le professeur Valette, qui est vraiment la personne qui, au début, était excessivement sceptique, et nous avons produit un excellent étui robotique pour patient. Il y avait des lésions très profondes et nous avons dû insérer une aiguille de 25 cm ; nous ne pouvions rien voir. Et nous l'avons fait avec le robot, et là, nous pouvions très bien voir, et nous l'avons mis en un seul coup et il m'a dit : « C'est vraiment génial ». Et même le professeur Valette était convaincu des avantages du robot. Mais il est vrai qu'en ce qui concerne l'interaction et la manière dont les gens se projettent sur le robot, nous pouvons constater que cette génération sera bien plus encline, d'ailleurs, à l'adopter tout de suite, et elle le fait d'ailleurs.

L'avenir du traitement peu invasif du cancer, c'est aujourd'hui.